Abdoulaye Barry

Reconversion professionnelle made in Guinea

Dans la plupart des pays, la reconversion professionnelle devient de plus en plus un passage obligé. Même si les motivations des reconvertis et les causes qui les y poussent ne sont pas toujours les mêmes, il en résulte toujours un changement de métier.

Dans les pays développés, la reconversion professionnelle est causée par la volonté de changer de secteur d’activité pour un épanouissement personnel, par des motivations salariales ou par la volonté d’entreprendre entre autres.

En Guinée aussi, beaucoup de diplômés en situation de sous emploi ou de chômage, opèrent souvent une mutation professionnelle pour les mêmes motifs. La grande différence, entre les deux mondes reste le résultat auquel cette démarche peut mener.

Si une infime partie des reconvertis en Guinée arrivent à tirer leurs épingles du jeu, l’écrasante majorité, en choisissant cette option, plongent vers le bas de l’échelle sociale et finissent par se retrouver dans la même catégorie que les analphabètes. Fini le formel et bienvenue dans le monde de l’informel.

Cette semaine, j’ai rencontré un jeune diplômé devenu commerçant, auquel j’ai proposé de témoigner sur son parcours pour illustrer ce billet. Il a accepté à une condition : témoigner sous couvert d’anonymat. Il faut l’admettre, pour l’imaginaire collectif en Guinée, il n’y a rien de reluisant et de fierté à faire ce genre de témoignage. Donc je n’ai pas pu avoir d’images de lui et j’utilise Boubacar en guise de pseudonyme.

Assis derrière son comptoir, à l’affut du prochain client, Boubacar a les yeux rivés sur son Smart-phone. Son index droit fait un va et viens discontinue sur l’écran pour faire défiler les pages, tandis que la main gauche tient avec délicatesse l’appareil.

Il passe une partie de la journée à surfer sur le net : publier des photos sur Facebook, contacter un ami sur Viber, consulter sa boîte de réception sur gmail. Connecté et très ingénieux pour un simple boutiquier de quartier. Mais Boubacar n’est pas un boutiquier par vocation. Il en est plutôt un par défaut. C’est un reconverti. Rien ne lui destinait à devenir un commerçant.

Passionné d’art et de cinématographie, Boubacar a fait de brillantes études secondaires. Mais après l’obtention du Baccalauréat, son choix pour l’orientation, n’est pas retenu par le ministère de l’éducation.

En Guinée, les bacheliers sont orientés vers des filières qu’ils n’ont parfois jamais choisi. Boubacar se retrouve ainsi en Histoire. Après une Licence difficile, il arrive à son tour sur marché de l’emploi. Il candidate partout où une possibilité de stage ou d’emploi se présente.

Quatre mois, six mois, puis neuf mois après l’obtention du diplôme, toujours rien. Aucun stage, ni emploi. L’étau familial commence à se resserrer sur l’ancien étudiant qui depuis quelques mois est venu grossir les rangs des diplômés sans emploi. Car pour les parents qui vivent le plus souvent dans des conditions précaires, il est difficile continuer à soutenir financière le jeune diplômé au détriment des autres enfants en bas âge.

Boubacar prend la mesure de la situation : « Je ne pouvais plus continuer à vivre dans cette situation de parasite familiale. Être obligé de vivre éternellement aux dépens de mes parents ». Il décide comme beaucoup de chômeurs, à défaut de trouver un emploi, de se reconvertir dans le commerce informel. Ce sont des reconvertis professionnel à la guinéenne.

Ainsi, ils sont des milliers de jeunes comme lui à se retrouver dans cette situation après les études. Certains de ces diplômés finissent par se faire une spécialité dans le monde de l’informel en s’adaptant à chaque environnement. Ils font du « Commerce Circonstanciel ».

Dans cette spécialité, la formule est simple. C’est le terrain qui commande. En début de  saison pluvieuse par exemple, on revend des parapluies et quand le quand le mercure monte en mars et avril à Conakry, on devient vendeur à la sauvette de sachets d’eau dans les grands carrefours, etc.

Cet échec professionnel renforce le sentiment de frustration et de désespoir au niveau des jeunes diplômés et encourage beaucoup d’entre eux à prendre le chemin de l’immigration ou de l’exil.

À qui la faute donc ? À tout le monde dirai-je. Même si le degré de responsabilité varie d’une personne à une autre, d’une institution à une autre, d’un acteur à un autre.

La vérité n’est pas à rechercher seulement dans l’absence de politiques d’emploi cohérentes  de la part du gouvernement, dans l’inadéquation entre les offres de formation et la demande du marché, dans le faible accès des étudiants aux sources d’information et dans la prestation médiocre des professeurs, dans l’insouciance et l’indifférence des étudiants, dans l’irresponsabilité de certains parents. Tout ceci n’est qu’une infime partie de ce grand puzzle à reconstituer pour essayer de voir claire dans cette problématique de l’éducation et de l’emploi en Guinée.

Et pourtant, dans ce tableau noir de l’emploi des jeunes en Guinée, je ne remets nullement en cause les efforts consentis par certaines personnes (corps professoral, parents d’élèves, étudiants, voir même certaines autorités) pour renverser cette tendance et remettre un peu d’ordre dans ce grand « Bazar ». Moi, je ne fais qu’observer, constater sans consentir et dénoncer pour changer.


Fria : une histoire de realpolitik et de melting-pot en Guinée

Si tu vas à Fria, plutôt qu’à Paris ou Rio

Si tu vas à Fria, ville industrielle, c’est parce que’un jour quelqu’un a décidé d’y construire une usine d’alumine. La toute première usine d’alumine en terre africaine. C’est le début d’une histoire foisonnante en realpolitik, en brassage culturel, en apogée et en déclin. Rome ne s’est pas faite en un jour, Fria non plus.

Tout commence à la fin des années 1950 avec la construction d’une usine d’alumine dans le petit village de Kimbo par un consortium d’entreprises dirigées par la française Pechiney. Le petit village devient rapidement la ville industrielle de Fria avec tout ce que cela implique en termes de changements.

Je suis allé à Fria pour la première fois dans le cadre du blog camp 2017, organisé par Ablogui (l’association de blogueurs de Guinée). Cette ville m’a charmée, non pas par ces trois immeubles du centre ville (vestiges de la belle époque) ou par la propreté de ses rues (celles de Conakry, la capitale, pourraient envier leur salubrité), j’ai plutôt été fasciné par l’histoire de cette ville et le brassage culturel qui a suivi sa naissance dans les années 1950.

Une rue de Fria – crédit photo Abdoulaye Barry

Fria ou l’histoire d’une  realpolitik franco – guinéenne

Si la Realpolitik se définit comme une stratégie politique qui s’appuie sur le possible, sur ce qui est jouable, sur les intérêts nationaux… qui font passer au second plan les doctrines, les jugements de valeur et de morale, alors Fria en est une parfaite illustration.

En votant « non » au projet de communauté du Général De Gaulle en 1958, la Guinée accède à son indépendance par une séparation brusque avec l’ancienne puissance coloniale. C’est le début de deux décennies de méfiance, de rupture de relations diplomatiques et de vrai-faux complots entre les deux pays. Mais dans ce climat politique et économique tendu, Pechiney, une entreprise française présente en Guinée depuis 1951, va tirer son épingle du jeu. Realpolitik oblige.

A Conakry, le jeune dirigeant guinéen, Sékou Touré, compris avec toute sa fougue révolutionnaire qu’il ne pouvait (au nom d’aucun idéalisme) se priver de cette industrie qui générera entre 1960 et 1973 une manne financière estimée à plus de 46 millions de dollars pour l’État guinéen.

A Paris, les détracteurs du régime guinéen ne peuvent se risquer de compromettre ce juteux contrat obtenu par une entreprise française, quel que soit leur envie de punir « l’irrévérence » du leader guinéen le 28 septembre 1958 à l’égard du Général De Gaulle.

Ainsi, en l’absence de relations diplomatiques officielles, Pechiney deviendra durant des années l’un des canaux officieux de contact entre les deux pays.

Fria, ville du melting pot à la guinéenne

Véritable mélange des différentes ethnies que compte la Guinée, Fria est un exemple vivant du pouvoir de destruction qu’ont l’industrialisation et l’emploi sur les clichés négatifs qui empoisonnent les relations entre les différentes communautés dans nos pays.
Véritable mélange des différentes ethnies que compte la Guinée. En effet, la pauvreté et la précarité représentent des fertilisants efficaces pour les cultivateurs de la haine et de l’ethnocentrisme.

A Fria, même si ce melting pot n’a pas entraîné l’adoption d’une langue commune, comme le créole dans certains pays, les habitants ont chacun adopté la culture de l’autre et maitrisé sa langue maternelle comme la sienne. Ce qui fait que la plupart des friakas (habitants de Fria) parle avec aisance le soussou, le poular et le malinké, qui correspondent aux trois principales ethnies de la ville. Trois langues, trois cultures brassées entre elle, ça donne le friaca.

Descente et remontée aux enfers après l’arrêt de l’usine

L’usine de Fria n’est que l’ombre d’elle-même depuis la grève des travailleurs, qui a conduit à l’arrêt total de la production en 2012. Même si un accord a été obtenu entre les différents protagonistes pour la reprise de la production à partir d’avril 2018, l’ambiance reste mitigée.

Ici la plupart des activités tournaient autour de l’usine et son arrêt à entrainé  la paralysie totale de la ville. Toutes les activités tournent au ralenti et certaines sont quasiment à l’arrêt. Mais Fria se réveille, comme une ville dévastée par un cyclone violent qui balaye tous sur  son passage.

Centre ville de Fria – crédit photo Abdoulaye Barry

La météo n’a pas pu prévoir les événements. Quand l’usine s’est arrêtée en 2012, aucune alternative n’était prévue par les employés et chacun s’est débrouillé comme il a pu. Mais, comme nous le savons, on gagne toujours de l’expérience après les difficultés. On peut toujours grandir de nos échecs. Et Fria, aujourd’hu,i semble comprendre cela. Même si l’activité reste morose dans la cité de l’Alumine, autrefois surnommé le « petit Paris », la diète, elle, semble terminée.


Laetitia Gerard : une femme au parcours exceptionnel

Cheveux longs et bruns, visage resplendissant bronzé par 68 jours de marathon pédagogique en Afrique de l’Ouest. Laetitia Gerard, une femme au parcours exceptionnel. J’ai fait sa connaissance à l’occasion d’un séminaire de formation pédagogique qui s’est déroulé du 05 au 18 novembre 2014 à Bissau (cf. programme de formation ci-dessous).

Docteure en sciences de l’éducation, consultante internationale en pédagogie universitaire et formation des doctorants, elle travaille depuis le mois de juillet 2014 comme formatrice en pédagogie universitaire sur le « Projet d’Appui à l’Enseignement Supérieur dans les pays de l’UEMOA (PAES) » dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest : Mali, Sénégal, Burkina Fasso et Guinée Bissau.

Laetitia Gerard – crédit photo L. Gerard

Née en 1980 dans le nord-est de la France, Laëtitia Gerard commence par des études de Langues à l’université de Lorraine, mais elle se réoriente rapidement. Après un DEUG d’anglais en 2001, elle choisit d’entreprendre une licence en sciences de l’éducation qui finiront par la séduire « Finalement, ça s’est révélé que c’est quelque chose qui m’a beaucoup plu. Ça m’a beaucoup plus intéressé que l’anglais. Ce fût une révélation après». Dira-t-elle.

En 2009 elle obtient son doctorat en Sciences de l’éducation, spécialité : pédagogie universitaire à l’université de Lorraine. C’est le début d’une fulgurante carrière. Elle devient tour à tour enseignante au niveau Licence et Master, chercheure sur différents projets, formatrice, en tant qu’ingénieure d’étude elle met en place un service Universitaire de pédagogie, puis elle devient consultante internationale en pédagogie universitaire, experte et évaluatrice de projets nationaux et internationaux.

Très active au sein de la communauté des universitaires, elle est membre de plusieurs associations professionnelles. Entre autres : l’Association Internationale en Pédagogie Universitaire (AIPU) ; l’Agence Internationale pour le Développement de l’Education et de la Coopération (AIDEC) ; l’Association Fédérative des Experts et Consultants de la Coopération Technique Internationale (AFECTI) ; etc.

Polyglotte et globe-trotteuse, Laëtitia est une amoureuse des safaris professionnels, ayant pour modèle un enseignant-chercheur en pédagogie universitaire de l’Université de Sherbrooke : « C’est quelqu’un qui voyage tout le temps. Tous les mois il est quelque part dans le cadre du travail. Et moi c’est ce que je voudrais faire. Être dans un pays différent, pour accompagner les enseignants dans leurs pratiques ». affirme-t-elle. Comme son mentor, Laetitia Gerard fait des missions professionnelles dans plusieurs pays, notamment au Canada, en Suisse, en Belgique, à Madagascar et dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.

Dynamique et altruiste, Laetitia Gerard, fait aussi partie de « la génération connectée ». Facebook et twitter sont pour elle des outils collaboratifs qui facilitent l’interaction entre formateurs et apprenants. Sur son blog coopérationuniversitaire, elle aborde des thèmes liés à l’enseignement superieur : Doctorat, Pédagogie universitaire, Direction de recherche, etc.

Dix ans d’expérience dans les domaines de la pédagogie universitaire et de la formation doctorale ont fait d’elle une perle de la pédagogie. Communiquant avec tact et simplicité, elle a écrit plusieurs articles scientifiques et realisé de nombreuses communications sur l’enseignement supérieur lors de colloques, conférences et congrès internationaux.

Par ailleurs elle a publié chez Téraèdre un ouvrage intitulé « Le doctorat : un rite de passage. Analyse du parcours doctoral et post-doctoral ». Ce livre est le résultat de quatre années de dur labeur et contribue à faire du parcours de Laetitia Gerard, un parcours exemplaire pour les futures docteurs. Car avec le courage et la persévérance, on arrive toujours au bout de ses rêves. Ce qui rappelle cette devise de Jacques Cœur, marchand français du XVe siècle « à cœur vaillant rien d’impossible ».

Le programme de la formation
Module 1: « Enseigner à l’université »
– Module 1a : Introduction à la pédagogie (1 jour)
– Module 1b : Comment préparer un cours (1 jour)
– Module 1c : Comment animer un cours de manière interactive (2 jours)
– Module 1d : Comment évaluer les apprentissages (1 jour)
– Module 1e : Bien communiquer son cours (1 jour)

Module 2 : « Initiation aux TICE » (1 jour)
Module 3 : « Sensibilisation à l’évaluation des enseignements » (1 jour)
Module 4 : « La direction de mémoires et thèses » (1 jour)


Qui était Kumba Yala ?

Décédé le 4 avril derniers, l’ancien président Bissau Guinéenne, Kumba Yala a été inhumé le vendredi 25 avril 2014 à Bissau.

La tristesse et la compassion se lisaient sur tous les visages. Amis, Parents, militants de son parti, le PRS, adversaires politiques, bref tout le monde tenait à rendre un dernier hommage à cet homme qui a marqué l’histoire politique de la Guinée Bissau ces vingt dernières années.

Des milliers de personnes rendent hommage à Kumba Yala - crédit photo Abdoulaye Barry
Des milliers de personnes rendent hommage à Kumba Yala – crédit photo Abdoulaye Barry

J’ai entendu parler de Kumba Yala pour la première fois en mai 2001 à Conakry lors de sa première visite officielle à l’étranger en tant que président de son pays qu’il avait réservé à ses voisins de l’autre Guinée. À l’époque, l’adolescent que j’étais ne connaissais rien de la politique ou de la personnalité des Chefs d’États. Je me moquais de ce président qui portait un prénom de femme, puisque chez nous le nom « Kumba » est exclusivement réservé aux femmes. Aujourd’hui avec le recul, je prends la mesure de l’homme et la stature qu’il avait dans son pays. Mais au fait, qui était Kumba Yala ?

Kumba Yala - crédit photo RFI / Marie-Laure Josselin
Kumba Yala – crédit photo RFI / Marie-Laure Josselin

Homme politique au parcours controversé, Koumba Yala est né le 15 mars 1953 à Boula dans la région de Cacheu au nord du pays. Diplômé de la Faculté de Droit de Bissau et de l’Université Catholique de Lisbonne, il est aussi polyglotte, parlant au moins quatre (4) langues internationales : portugais, français, espagnol et anglais.

Très jeune, il s’engage dans le combat politique au sein du grand parti qui a conduit le pays à l’indépendance, le PAIGC (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap Vert) avant de fonder sa propre formation politique en 1992, le parti de la Rénovation Sociale (PRS) devenu depuis, la seconde force politique du pays après le PAIGC.

Après une élection perdue face à l’ancien président Nino Vieira en 1994 lors des premières élections pluralistes que connu le pays, Kumba Yala accède finalement à la présidence après un second tour disputé face à Malam Bacai Sanha en janvier 2000. Il ne finira pas son mandat. Trois ans après son investiture il est renversé par l’armée qui profite de son mauvais bilan économique pour reprendre le pouvoir.

En 2012, Kumba Yala revient au-devant de la scène à l’occasion des élections présidentielles. Il arrive deuxième au premier tour avec 23,36 % des voix contre 48,97 % à l’ancien premier ministre et candidat du PAIGC Carlos Gomes Junior. Le deuxième tour n’aura pas lieu, car le processus est de nouveau interrompu par un coup d’État qui pousse Carlos Gomes Junior à s’exiler au Portugal et le pouvoir est confié à un gouvernement de transition, chargé d’organiser de nouvelles élections.

Pressenti pour être le candidat de son parti, le PRS, aux élections présidentielles de 2014, Kumba Yala décide finalement de se retirer de la vie politique active tout en soutenant contre l’avis de son parti, un candidat indépendant Nuno Gomes Na Biam.

Issu de l’ethnie Balante, Kumba Yala est resté très attaché à la tradition en porta toujours un bonnet rouge qui est un symbole identitaire très fort chez ces Bretons noirs (les balantes). Ce qui l’avait value d’ailleurs le surnom de « l’homme au bonnet rouge ».

Balantes arborant de bonnets traditionnels aux obsèques de Kumba Yala – crédit photo Abdoulaye Barry
Balantes arborant de bonnets traditionnels lors des obsèques de Kumba – crédit photo Abdoulaye Barry

Sa disparition laisse un grand vide dans le paysage politique bissau-guinéen. Amis et adversaires lui reconnaissent son dynamisme et sa pugnacité, même s’ils n’ont pas toujours partagé ces choix et ses points de vue. Car au vu de l’histoire de ce pays, jalonnée d’assassinats politiques et de coups d’État, faire de la politique c’est braver la mort, la peur, l’inconnu.

Cercueil de Kumba Yala transporté sur un véhicule de l’armée – crédit photo Abdoulaye Barry
Cercueil de Kumba Yala transporté sur un véhicule de l’armée – crédit photo Abdoulaye Barry

Kumba Yala repose désormais dans la Fortaleza (Forteresse) de Amura, camp militaire datant de l’époque coloniale, qui abrite l’État-major de l’armée bissau-guinéenne, où sont notamment enterrés Amilcar Cabral, père de la nation et Malam Bacai Sanha ancien président du pays, mort en janvier 2012.

« La vie est comme un incendie. Flammes que le passant oublie, cendres que le vent disperse : un homme a vécu » .Omar Khayyâm.

 

 

 

 

 


Bem-vindo a Bissau

Après une longue absence, je suis de retour sur la planète Mondoblog pour vous amener à découverte d’une ville pas comme les autres : Bissau.

l'Assemblée nationale à Bissau - crédit photo Abdoulaye Barry
l’Assemblée nationale à Bissau – crédit photo Abdoulaye Barry

Capitale de la Guinée Bissau et principale ville du pays, Bissau est une petite ville d’environs 77km2 aux constructions modestes parsemées d’arbres fruitiers. La ville est divisée en deux par l’Avenue du 14 Novembre, reliant l’aéroport international Osvaldo Vieira au Port de Pindijiguiti.

l'Avenue du 14 novembre - crédit photo Abdoulaye Barry
l’Avenue du 14 novembre – crédit photo Abdoulaye Barry

Le centre-ville, appelé Bissau Velho ou «la vieille Bissau » concentre la plupart des services publics, les hôtels, les banques, le Centre Culturel Franco Bissau Guinéen. On y trouve également des restaurants comme Kaliste très prisé par les expatriés et quelques privilégiés qui se retrouvent là le soir pour discuter autour d’un vers ou pour déguster un plat.

En termes d’infrastructures, pas de gratte-ciel, ni de grands étages au centre-ville, mais des maisons à l’architecture coloniale qui s’adaptent bien à la modernité. Ce qui donne à cette ville son originalité.

En arrière-plan, maisons du centre ville - crédit photo Abdoulaye Barry
En arrière-plan, maisons du centre ville – crédit photo Abdoulaye Barry

Dans la haute banlieue ou si vous voulez dans les Bairros (quartiers), les constructions sont un mélange de tradition et de modernité avec souvent des maisons en briques de banco et même rarement on rencontre des maisons aux toits de paille.

Maisons dans la banlieue de Bissau - crédit photo Abdoulaye Barry
Maisons dans la banlieue de Bissau – crédit photo Abdoulaye Barry

A Bissau les premières choses qui attirent l’attention d’un étranger, c’est la fluidité de la circulation, la quiétude des rues, la divagation des animaux (les cochons) et les Festas.

Les transports urbains

Il est rare de se retrouver dans un embouteillage de plus de 5min. Ce qui contraste fortement avec certaines villes africaines comme Conakry où on peut banalement être bloqué dans un embouteillage pendant au moins deux heures.

Dans les transports en commun de Bissau, vous avez seulement deux options : le taxi ou le minibus communément appelé ici Toka-toka. Donc comme dans la plupart des  villes en Afrique, pas de métro ni de tramway.Le prix du transport est fixé par tronçon, 250 Fcfa pour les taxis et 100 Fcfa pour les minibus.

Minibus de transport urbain - crédit photo Abdoulaye Barry
Minibus de transport urbain – crédit photo Abdoulaye Barry

En parlant de taxi, sachez qu’il ne s’agit pas du taxi d’Abidjan ou de Dakar, mais plutôt le taxi de Bissau c’est-à-dire à peu près comme celui de Conakry à la différence près que celui-ci prend au maximum, quatre personnes (une personne devant et trois derrière) tandis que celui de Conakry en prend six (deux devant et quatre derrière).

Taxi à Bissau - crédit photo Abdoulaye Barry
Taxi à Bissau – crédit photo Abdoulaye Barry

Les cochons

Une autre particularité de Bissau, c’est les cochons. Ce n’est pas leur existence qui impressionne, mais le traitement qui leur est accordé et la place qu’ils occupent. Les cochons sont intouchables, non pas dans le sens du mot en Inde, mais dans la mesure où ses bêtes sont totalement libres et livrées à eux-mêmes. Sur ce point les défenseurs des animaux n’ont aucun souci à se faire. C’est l’animal roi ici.

Cochons au bord d'une route - crédit photo Abdoulaye Barry
Cochons au bord d’une route – crédit photo Abdoulaye Barry

Excepté le centre-ville, qui est plus ou moins épargné, on les rencontre dans tous les coins de rue. C’est un vrai phénomène de divagation d’animaux. Contrairement à d’autre pays, où le cochon est un animal prohibé, maléfique, interdite àla consommation, ici beaucoup de familles élèvent des cochons à domicile, qui servent à des cérémonies traditionnelles ou à la consommation tout simplement. Et le marché se négocie bien. Les prix varieraient entre 15.000 et 250.000 FCFA selon la taille de l’animal et les circonstances de l’achat.

Les Festas

C’est les innombrables fêtes et célébrations organisées tout au long de l’année. Ici malgré les conditions de vie difficile et la pauvreté, les fêtes sont au rendez-vous. En dehors de Noël, de Pâque, des fêtes musulmanes, …, l’évènement le plus en vue reste le Carnaval de Bissau qui se déroule chaque année entre fin février et début mars. Il est considéré comme le plus grand événement artistique et culturel du pays. Des centaines de milliers de personnes participent à ces manifestations qui montrent la culture bissau-guinéenne dans toute sa splendeur.

Durant au moins quatre (4) jours, Bissau va grouiller de monde venu de toutes les régions du pays. Toutes les activités vont fonctionner au ralenti pour laisser place aux différents présentations et concours artistiques : chants, danses, cortèges, etc.

Mais avec l’instabilité politique, marqué notamment par plusieurs coups d’État militaire et assassinats politiques, le pays se trouve dans une crise sociopolitique depuis plusieurs années. Ce qui a considérablement réduit l’envergure de ces fêtes. Les gouvernements de transitions qui se succèdent, n’arrivent pas résoudre les problèmes quotidiens des populations et sortir le pays de la crise qu’il traverse depuis des décennies.

Aujourd’hui tous les yeux restent rivés sur les élections du 16 mars 2014 qu’on espère, permettront de mettre fin à l’instabilité politique et à l’isolement international du pays.

 

                                                                                                        

 

 

 

 


Ghislaine et Claude, nous nous souviendrons toujours de vous

RFI rend hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon le 5 novembre à Paris
RFI rend hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon le 5 novembre à Paris

Depuis l’assassinat des deux correspondants de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon le 2 novembre à Kidal au nord du Mali, l’émotion et l’indignation suscitées à travers le monde, sont à la hauteur de la cruauté inouïe des ravisseurs.

Les messages de condoléances, de révolte, d’indignation et de condamnation face à cet acte ignoble affluent de toutes parts. Comme pour dire que Ghislaine et Claude n’étaient pas seulement des citoyens français, mais des citoyens du Monde.

A travers eux, RFI symbolisait et continuera à symboliser la voix de la Liberté, de la culture, de l’émancipation, de l’éducation et de la Démocratie.

Loin de leur patrie et dans des conditions parfois extrêmement difficiles, ces journalistes donnaient le meilleur d’eux-mêmes pour nous informer de la manière la plus objective possible. Leur mort ne sera pas un motif de désespoir, au contraire une source d’engagement, de motivation à continuer leur combat pour la liberté d’expression à travers le monde.

Ces assassinats relancent aujourd’hui la question de la sécurité au nord Mali et d’une manière générale en Afrique de l’Ouest. On parle beaucoup d’Aqmi (Al Qaïda  au Maghreb islamiste), du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), d’Ansar Dine, mais il ne faut pas perdre de vue que ces organisations terroristes ne sont que le fruit d’idéologies extrémistes qui ternissent l’image de l’islam et profitent de populations désœuvrées.

Sans remettre en cause la liberté de culte, les États ouest-africains devraient aujourd’hui prendre leurs responsabilités face à ces nouveaux barbares du XXIe siècle qui n’hésitent pas à démolir des tombes, à mutiler, décapiter et tuer des innocents comme le montrent l’assassinat de  Ghislaine et Claude.

Qu’ont-il fait pour mériter cette mort ? La question est difficile à répondre. Comment peut-on  justifier l’injustifiable. Ces crimes odieux ne peuvent trouver aucune justification.

La disparition tragique de ces deux reporters chevronnés porte un grand coup aux droits de l’homme, à la liberté de la presse et à la liberté d’expression d’une manière générale.

C’est aussi une grande perte pour les millions d’auditeurs de la RFI qui avaient fini par s’habituer à cette voix aimable de Ghislaine Dupont qui de reportage en reportage avait fini par conquérir, non par les armes, mais par son impartialité, sa simplicité, sa concision, des cœurs de millions d’auditeurs.

Le professionnalisme de Claude restera à jamais gravé dans nos souvenirs et la voix de Ghislaine continuera toujours à raisonner très fort dans les cœurs des millions d’auditeurs de la RFI à travers le monde.

Ghislaine et Claude nous vous garderons à jamais dans nos cœurs.

Reposez en paix combattants de la liberté.


Conakry- Bissau : 30 heures pour 800 km

Avec la cherté d’un billet d’avion pour rallier Bissau, la plupart des Guinéens préfèrent emprunter la voie terrestre pour se rendre chez le voisin bissau-guinéen, mais non sans difficulté.

En effet voyager à bord d’un minibus ou d’un taxi-brousse pour rejoindre Bissau relève d’un parcours de combattant compte tenu de la distance, du mauvais état des routes, mais aussi à cause des tracasseries policières et douanières à la frontière.

Parcourir les quelque 800 km qui séparent Conakry de Bissau (en passant par Boké) vous devez compter 24 heures au meilleur des cas, sinon, vous êtes parti pour deux ou trois jours de calvaire dans des véhicules où tout confort est bannie.

Dans ces types de véhicules, pas besoin de ceinture de sécurité. Car vous êtes tellement serré que vous n’y pensez même pas. La climatisation, n’en rêvez point. On vous dira qu’à la tombée de la nuit, la température descendra de telle sorte que vous regretteriez la chaleur de la journée.

Minibus de transport interurbain en Guinée - crédit photo Abdoulaye Barry
Minibus de transport interurbain en Guinée – crédit photo Abdoulaye Barry

C’est dans ces conditions que j’avais quitté Conakry au mois de juin pour me rendre à Bissau. Nous étions une vingtaine de passagers dans un minibus sensé transporter la moitié de ce nombre. Tellement serré les uns aux autres, on arrivait à peine à faire un mouvement. Le minibus transportait, outre les personnes toutes sortes de bagages qui formaient un dôme sur le véhicule. À chaque virage, les passagers retiennent leurs souffles, craignant le renversement du véhicule.

Ayant quitté Conakry à 16 heures, nous arrivons à Boké (300 km de Conakry) vers 22 heures où le chauffeur stationne pour permettre à chacun de manger, de se mettre à l’aise, d’appeler des relations et surtout de s’approvisionner. Car après cette ville, c’est un No Mans lande d’une centaine de kilomètres où il n’y a, ni réseau téléphonique, ni grande ville, excepté quelques hameaux. Au bout de 20 min nous reprenons la route. Elle est presque impraticable après Boké. Le minibus roule lentement. Il frôle à peine les 30 km/h.

Avec la tombée de la nuit l’atmosphère se détend et des conversations sont entamées çà et là. On parle de tous et de rien : politique, football, commerce, éducation,…. Aucun sujet n’est à l’abri. Mais à mesure que la nuit avance, le sommeil s’invite dans les débats. La majorité des passagers dorment. Et malheur à celui qui ne dormira pas, il servira tout simplement d’oreiller aux autres. Ne se contrôlant plus, les dormeurs se laissent aller au gré des inclinaisons du minibus dans les virages. D’ailleurs, il faut pour celui qui ne dort pas un habilité extraordinaire pour esquiver tous les mouvements de bras incontrôlés qui pourraient s’abattre sur son visage.

Le lendemain, en fin de matinée, nous arrivons à la frontière. Contrôle et racket d’usage au poste-frontière de Foulamory (en règle ou pas, tout le monde paie). Quelques kilomètres plus loin nous voilà au bac. Un autre calvaire pour le voyageur de Conakry-Bissau, c’est la traversée au bac sur le fleuve qui fait office de frontière naturelle entre les deux pays.

Bac sur un fleuve en Guinée - Paikoun Garanbe via Facebook.com
Bac sur un fleuve en Guinée – Paikoun Garanbe via Facebook.com

Une trentaine de minutes pour la traversée. Ici tous les hommes se relayent pour tirer le câble sur lequel est accroché le bac afin de traverser. Ne dites surtout pas aux passeurs que vous comptiez écrire un article sur ce bac pour attirer l’attention des autorités afin qu’il soit remplacé par un pont. Ils rétorqueront vigoureusement que leur vie est liée à l’existence de ce bac.

Après le fleuve, nous sommes en territoire bissau-guinéen et au premier poste frontière, tout le monde descend pour se faire cacheter son laisser passer. Nous arrivons à Gabou (200 km de Bissau) en fin de journée. Là il faudra emprunter une autre voiture pour rallier Bissau. Ce trajet fut moins difficile, malgré un sommeil pesant. J’arrivais à peine à ouvrir les yeux.

A Safin, dernier Checkpoint à l’entrée de Bissau (à 4 km de la ville), tous les bagages son minutieusement fouillé, les identités contrôlées et de l’argent, il faut toujours payer, même si on possède un passeport CEDEAO. Le protocole d’accord le 29 mai 1979 entre pays membres de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) sur La libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO reste dans les tiroirs de l’organisation. Il était déjà 23 h quand nous rentrâmes dans Bissau.

Ainsi se déroule le voyage dans cette partie des tropiques. Espérons un jour que ce trajet puisse se  faire en TGV. Les Ivoiriens ne disent-ils pas : tant qu’il y a vie, y a toujours espoir ?