Reconversion professionnelle made in Guinea

Article : Reconversion professionnelle made in Guinea
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23 août 2017

Reconversion professionnelle made in Guinea

Dans la plupart des pays, la reconversion professionnelle devient de plus en plus un passage obligé. Même si les motivations des reconvertis et les causes qui les y poussent ne sont pas toujours les mêmes, il en résulte toujours un changement de métier.

Dans les pays développés, la reconversion professionnelle est causée par la volonté de changer de secteur d’activité pour un épanouissement personnel, par des motivations salariales ou par la volonté d’entreprendre entre autres.

En Guinée aussi, beaucoup de diplômés en situation de sous emploi ou de chômage, opèrent souvent une mutation professionnelle pour les mêmes motifs. La grande différence, entre les deux mondes reste le résultat auquel cette démarche peut mener.

Si une infime partie des reconvertis en Guinée arrivent à tirer leurs épingles du jeu, l’écrasante majorité, en choisissant cette option, plongent vers le bas de l’échelle sociale et finissent par se retrouver dans la même catégorie que les analphabètes. Fini le formel et bienvenue dans le monde de l’informel.

Cette semaine, j’ai rencontré un jeune diplômé devenu commerçant, auquel j’ai proposé de témoigner sur son parcours pour illustrer ce billet. Il a accepté à une condition : témoigner sous couvert d’anonymat. Il faut l’admettre, pour l’imaginaire collectif en Guinée, il n’y a rien de reluisant et de fierté à faire ce genre de témoignage. Donc je n’ai pas pu avoir d’images de lui et j’utilise Boubacar en guise de pseudonyme.

Assis derrière son comptoir, à l’affut du prochain client, Boubacar a les yeux rivés sur son Smart-phone. Son index droit fait un va et viens discontinue sur l’écran pour faire défiler les pages, tandis que la main gauche tient avec délicatesse l’appareil.

Il passe une partie de la journée à surfer sur le net : publier des photos sur Facebook, contacter un ami sur Viber, consulter sa boîte de réception sur gmail. Connecté et très ingénieux pour un simple boutiquier de quartier. Mais Boubacar n’est pas un boutiquier par vocation. Il en est plutôt un par défaut. C’est un reconverti. Rien ne lui destinait à devenir un commerçant.

Passionné d’art et de cinématographie, Boubacar a fait de brillantes études secondaires. Mais après l’obtention du Baccalauréat, son choix pour l’orientation, n’est pas retenu par le ministère de l’éducation.

En Guinée, les bacheliers sont orientés vers des filières qu’ils n’ont parfois jamais choisi. Boubacar se retrouve ainsi en Histoire. Après une Licence difficile, il arrive à son tour sur marché de l’emploi. Il candidate partout où une possibilité de stage ou d’emploi se présente.

Quatre mois, six mois, puis neuf mois après l’obtention du diplôme, toujours rien. Aucun stage, ni emploi. L’étau familial commence à se resserrer sur l’ancien étudiant qui depuis quelques mois est venu grossir les rangs des diplômés sans emploi. Car pour les parents qui vivent le plus souvent dans des conditions précaires, il est difficile continuer à soutenir financière le jeune diplômé au détriment des autres enfants en bas âge.

Boubacar prend la mesure de la situation : « Je ne pouvais plus continuer à vivre dans cette situation de parasite familiale. Être obligé de vivre éternellement aux dépens de mes parents ». Il décide comme beaucoup de chômeurs, à défaut de trouver un emploi, de se reconvertir dans le commerce informel. Ce sont des reconvertis professionnel à la guinéenne.

Ainsi, ils sont des milliers de jeunes comme lui à se retrouver dans cette situation après les études. Certains de ces diplômés finissent par se faire une spécialité dans le monde de l’informel en s’adaptant à chaque environnement. Ils font du « Commerce Circonstanciel ».

Dans cette spécialité, la formule est simple. C’est le terrain qui commande. En début de  saison pluvieuse par exemple, on revend des parapluies et quand le quand le mercure monte en mars et avril à Conakry, on devient vendeur à la sauvette de sachets d’eau dans les grands carrefours, etc.

Cet échec professionnel renforce le sentiment de frustration et de désespoir au niveau des jeunes diplômés et encourage beaucoup d’entre eux à prendre le chemin de l’immigration ou de l’exil.

À qui la faute donc ? À tout le monde dirai-je. Même si le degré de responsabilité varie d’une personne à une autre, d’une institution à une autre, d’un acteur à un autre.

La vérité n’est pas à rechercher seulement dans l’absence de politiques d’emploi cohérentes  de la part du gouvernement, dans l’inadéquation entre les offres de formation et la demande du marché, dans le faible accès des étudiants aux sources d’information et dans la prestation médiocre des professeurs, dans l’insouciance et l’indifférence des étudiants, dans l’irresponsabilité de certains parents. Tout ceci n’est qu’une infime partie de ce grand puzzle à reconstituer pour essayer de voir claire dans cette problématique de l’éducation et de l’emploi en Guinée.

Et pourtant, dans ce tableau noir de l’emploi des jeunes en Guinée, je ne remets nullement en cause les efforts consentis par certaines personnes (corps professoral, parents d’élèves, étudiants, voir même certaines autorités) pour renverser cette tendance et remettre un peu d’ordre dans ce grand « Bazar ». Moi, je ne fais qu’observer, constater sans consentir et dénoncer pour changer.

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