Conakry- Bissau : 30 heures pour 800 km
Avec la cherté d’un billet d’avion pour rallier Bissau, la plupart des Guinéens préfèrent emprunter la voie terrestre pour se rendre chez le voisin bissau-guinéen, mais non sans difficulté.
En effet voyager à bord d’un minibus ou d’un taxi-brousse pour rejoindre Bissau relève d’un parcours de combattant compte tenu de la distance, du mauvais état des routes, mais aussi à cause des tracasseries policières et douanières à la frontière.
Parcourir les quelque 800 km qui séparent Conakry de Bissau (en passant par Boké) vous devez compter 24 heures au meilleur des cas, sinon, vous êtes parti pour deux ou trois jours de calvaire dans des véhicules où tout confort est bannie.
Dans ces types de véhicules, pas besoin de ceinture de sécurité. Car vous êtes tellement serré que vous n’y pensez même pas. La climatisation, n’en rêvez point. On vous dira qu’à la tombée de la nuit, la température descendra de telle sorte que vous regretteriez la chaleur de la journée.
C’est dans ces conditions que j’avais quitté Conakry au mois de juin pour me rendre à Bissau. Nous étions une vingtaine de passagers dans un minibus sensé transporter la moitié de ce nombre. Tellement serré les uns aux autres, on arrivait à peine à faire un mouvement. Le minibus transportait, outre les personnes toutes sortes de bagages qui formaient un dôme sur le véhicule. À chaque virage, les passagers retiennent leurs souffles, craignant le renversement du véhicule.
Ayant quitté Conakry à 16 heures, nous arrivons à Boké (300 km de Conakry) vers 22 heures où le chauffeur stationne pour permettre à chacun de manger, de se mettre à l’aise, d’appeler des relations et surtout de s’approvisionner. Car après cette ville, c’est un No Mans lande d’une centaine de kilomètres où il n’y a, ni réseau téléphonique, ni grande ville, excepté quelques hameaux. Au bout de 20 min nous reprenons la route. Elle est presque impraticable après Boké. Le minibus roule lentement. Il frôle à peine les 30 km/h.
Avec la tombée de la nuit l’atmosphère se détend et des conversations sont entamées çà et là. On parle de tous et de rien : politique, football, commerce, éducation,…. Aucun sujet n’est à l’abri. Mais à mesure que la nuit avance, le sommeil s’invite dans les débats. La majorité des passagers dorment. Et malheur à celui qui ne dormira pas, il servira tout simplement d’oreiller aux autres. Ne se contrôlant plus, les dormeurs se laissent aller au gré des inclinaisons du minibus dans les virages. D’ailleurs, il faut pour celui qui ne dort pas un habilité extraordinaire pour esquiver tous les mouvements de bras incontrôlés qui pourraient s’abattre sur son visage.
Le lendemain, en fin de matinée, nous arrivons à la frontière. Contrôle et racket d’usage au poste-frontière de Foulamory (en règle ou pas, tout le monde paie). Quelques kilomètres plus loin nous voilà au bac. Un autre calvaire pour le voyageur de Conakry-Bissau, c’est la traversée au bac sur le fleuve qui fait office de frontière naturelle entre les deux pays.
Une trentaine de minutes pour la traversée. Ici tous les hommes se relayent pour tirer le câble sur lequel est accroché le bac afin de traverser. Ne dites surtout pas aux passeurs que vous comptiez écrire un article sur ce bac pour attirer l’attention des autorités afin qu’il soit remplacé par un pont. Ils rétorqueront vigoureusement que leur vie est liée à l’existence de ce bac.
Après le fleuve, nous sommes en territoire bissau-guinéen et au premier poste frontière, tout le monde descend pour se faire cacheter son laisser passer. Nous arrivons à Gabou (200 km de Bissau) en fin de journée. Là il faudra emprunter une autre voiture pour rallier Bissau. Ce trajet fut moins difficile, malgré un sommeil pesant. J’arrivais à peine à ouvrir les yeux.
A Safin, dernier Checkpoint à l’entrée de Bissau (à 4 km de la ville), tous les bagages son minutieusement fouillé, les identités contrôlées et de l’argent, il faut toujours payer, même si on possède un passeport CEDEAO. Le protocole d’accord le 29 mai 1979 entre pays membres de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) sur La libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO reste dans les tiroirs de l’organisation. Il était déjà 23 h quand nous rentrâmes dans Bissau.
Ainsi se déroule le voyage dans cette partie des tropiques. Espérons un jour que ce trajet puisse se faire en TGV. Les Ivoiriens ne disent-ils pas : tant qu’il y a vie, y a toujours espoir ?
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