Fria : une histoire de realpolitik et de melting-pot en Guinée

13 août 2017

Fria : une histoire de realpolitik et de melting-pot en Guinée

Si tu vas à Fria, plutôt qu’à Paris ou Rio

Si tu vas à Fria, ville industrielle, c’est parce que’un jour quelqu’un a décidé d’y construire une usine d’alumine. La toute première usine d’alumine en terre africaine. C’est le début d’une histoire foisonnante en realpolitik, en brassage culturel, en apogée et en déclin. Rome ne s’est pas faite en un jour, Fria non plus.

Tout commence à la fin des années 1950 avec la construction d’une usine d’alumine dans le petit village de Kimbo par un consortium d’entreprises dirigées par la française Pechiney. Le petit village devient rapidement la ville industrielle de Fria avec tout ce que cela implique en termes de changements.

Je suis allé à Fria pour la première fois dans le cadre du blog camp 2017, organisé par Ablogui (l’association de blogueurs de Guinée). Cette ville m’a charmée, non pas par ces trois immeubles du centre ville (vestiges de la belle époque) ou par la propreté de ses rues (celles de Conakry, la capitale, pourraient envier leur salubrité), j’ai plutôt été fasciné par l’histoire de cette ville et le brassage culturel qui a suivi sa naissance dans les années 1950.

Une rue de Fria – crédit photo Abdoulaye Barry

Fria ou l’histoire d’une  realpolitik franco – guinéenne

Si la Realpolitik se définit comme une stratégie politique qui s’appuie sur le possible, sur ce qui est jouable, sur les intérêts nationaux… qui font passer au second plan les doctrines, les jugements de valeur et de morale, alors Fria en est une parfaite illustration.

En votant « non » au projet de communauté du Général De Gaulle en 1958, la Guinée accède à son indépendance par une séparation brusque avec l’ancienne puissance coloniale. C’est le début de deux décennies de méfiance, de rupture de relations diplomatiques et de vrai-faux complots entre les deux pays. Mais dans ce climat politique et économique tendu, Pechiney, une entreprise française présente en Guinée depuis 1951, va tirer son épingle du jeu. Realpolitik oblige.

A Conakry, le jeune dirigeant guinéen, Sékou Touré, compris avec toute sa fougue révolutionnaire qu’il ne pouvait (au nom d’aucun idéalisme) se priver de cette industrie qui générera entre 1960 et 1973 une manne financière estimée à plus de 46 millions de dollars pour l’État guinéen.

A Paris, les détracteurs du régime guinéen ne peuvent se risquer de compromettre ce juteux contrat obtenu par une entreprise française, quel que soit leur envie de punir « l’irrévérence » du leader guinéen le 28 septembre 1958 à l’égard du Général De Gaulle.

Ainsi, en l’absence de relations diplomatiques officielles, Pechiney deviendra durant des années l’un des canaux officieux de contact entre les deux pays.

Fria, ville du melting pot à la guinéenne

Véritable mélange des différentes ethnies que compte la Guinée, Fria est un exemple vivant du pouvoir de destruction qu’ont l’industrialisation et l’emploi sur les clichés négatifs qui empoisonnent les relations entre les différentes communautés dans nos pays.
Véritable mélange des différentes ethnies que compte la Guinée. En effet, la pauvreté et la précarité représentent des fertilisants efficaces pour les cultivateurs de la haine et de l’ethnocentrisme.

A Fria, même si ce melting pot n’a pas entraîné l’adoption d’une langue commune, comme le créole dans certains pays, les habitants ont chacun adopté la culture de l’autre et maitrisé sa langue maternelle comme la sienne. Ce qui fait que la plupart des friakas (habitants de Fria) parle avec aisance le soussou, le poular et le malinké, qui correspondent aux trois principales ethnies de la ville. Trois langues, trois cultures brassées entre elle, ça donne le friaca.

Descente et remontée aux enfers après l’arrêt de l’usine

L’usine de Fria n’est que l’ombre d’elle-même depuis la grève des travailleurs, qui a conduit à l’arrêt total de la production en 2012. Même si un accord a été obtenu entre les différents protagonistes pour la reprise de la production à partir d’avril 2018, l’ambiance reste mitigée.

Ici la plupart des activités tournaient autour de l’usine et son arrêt à entrainé  la paralysie totale de la ville. Toutes les activités tournent au ralenti et certaines sont quasiment à l’arrêt. Mais Fria se réveille, comme une ville dévastée par un cyclone violent qui balaye tous sur  son passage.

Centre ville de Fria – crédit photo Abdoulaye Barry

La météo n’a pas pu prévoir les événements. Quand l’usine s’est arrêtée en 2012, aucune alternative n’était prévue par les employés et chacun s’est débrouillé comme il a pu. Mais, comme nous le savons, on gagne toujours de l’expérience après les difficultés. On peut toujours grandir de nos échecs. Et Fria, aujourd’hu,i semble comprendre cela. Même si l’activité reste morose dans la cité de l’Alumine, autrefois surnommé le « petit Paris », la diète, elle, semble terminée.

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Commentaires

Louda
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Triste parcours pour Fria

Satin christine
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Bonjour

Je cherche à contacter des anciens de de l’usine de FRIA de la période 1965/1970
J’ai vécu mon enfance dans un bungalow de l’unité 1. Je voulais savoir si cette rue existait encore .. mes frères sont nés la bas je suis allée jusqu’au collège la bas .. et malgré les années je reste viscéralement attachée à cette ville et ce pays
J’aimerais retrouver une personne si il est toujours en vie qui s appelait Dialo assana il doit avoir 85 /87 ans environ
Il a peut être ensuite travaillé à l’usine
Car quand je l’ai connu il était jeune 35 ans .. environ
C’est important pour moi merci bcp